La promesse

L’instant d’avant j’étais pépin 

J’ai été séparé de la chair de mon fruit 
Une main énorme et délicate a arraché jusqu'aux plus petits filaments qui me liaient au cocon dans lequel j’ai grandi 
Je fus submergé d’eau claire, brinquebalé, propulsé contre mes congénères, 
étalé sur un linge blanc, ensaché dans le noir, aux côtés d’autres pépins qui n’étaient pas tous, j’en suis certain, du même fruit que moi 

Je suis resté longtemps en latence, dans le noir du sachet 

Jusqu'à l'instant où un bruissement sec a déchiré notre air confiné 

Des rayons de lumière se sont fracassés sur mon écorce
J’ai glissé avec les autres et me suis étalé sur une assiette blanche 
Des doigts agiles, peut-être ceux de la main énorme et délicate, m’ont choisi, m’ont saisi, et m'ont recouvert d'une terre chaude, humide et parfumée 

Là, j’ai commencé à respirer, j’ai commencé à espérer, j’ai commencé à rêver 
J’ai rêvé au germe qui s'enivrera d'eau, qui se délectera des grains les plus noirs de la terre, qui traversera ma peau
J'ai rêver à la tige blanche qui se frayera un chemin à la recherche des radiations bleues, vertes, rouges, jaunes, ultra-violettes et infra-rouges 
J'ai rêvé à la plante tout entière qui se renforcera, qui s'élancera, qui me dépassera

J’ai vu le fruit que l'instant d'après je serai