Peau de lait

Et si, aux détours d'une journée de plage vous laissiez aller votre imagination en croisant des nappes d'algues sèches déposées sur le sable. Peut-être alors, pourriez vous saisir un peu de la magie du peuple des lutins.... ou de tout autre monde qui attend, quelque part, dans un coin de votre tête.


Peau de lait

Comme tous les ans, à la mi-septembre, juste avant la fin de l'été, la fée Arwen usait de sa magie pour organiser la fête des lutins sur la plage du Dossen.

Depuis le début des beaux jours, les lutins vivaient cachés et reclus dans la forêt, humant la mer et le soleil de loin, sans pouvoir en profiter. Leur sort s'ils entraient dans le champ de vision d'un humain ? Transformation immédiate en un élément de la plage : sculpture de sable, goémon ou varech séché, coquillage, bois flotté, galet.... C'est ainsi que les humains gardaient une vague impression d'un petit être mystérieux, qu'ils chassaient bien vite de leur esprit, à moins d'être enfant. 

En ce dimanche de septembre, jour de la fête, la fée Arwen s'apprêtait à installer sa magie aux premières lueurs de l'aurore. La magie qui permet, une journée par an, aux deux mondes parallèles de se côtoyer sur la plage, sans se voir, sans se gêner. Personne sur la mer, personne sur la plage, elle mit le lait à chauffer pour préparer le petit-déjeuner, et se laissa tenter par les vagues généreuses qui venaient lécher le sable. A ses pieds se glissait une eau claire, vibrante du soleil naissant, de grains de mica et d'élégantes ondes que dessinaient les vagues au gré de leur va-et-vient. Au loin se gonflaient de puissants rouleaux sombres qui venaient se dissoudre en milliers de gouttelettes blanches avant de rejoindre la transparence du bord. 

"Il me reste bien le temps de goûter l'eau pendant que le lait chauffe" pensa Arwen. Et la voilà qui s'élance, se laisse saisir par la fraîcheur de l'eau, envelopper par le croisement des vagues montantes et descendantes, soulever par la masse des rouleaux en formation.

Avait-elle oubliée le lait sur le feu, la fête, les lutins ? Toujours est-il qu'elle sembla avoir oublié d'installer tout à fait sa magie. C'est ainsi que, croisant le regard d'un humain à peau noire, épaisse et dure tentant de se hisser sur une planche de bois, elle se transforma en une vague longue et magnifique qui transporta cet humain émerveillé sur toute la distance de la plage.

Plus d'Arwen et pas de magie quand les lutins arrivèrent sur la plage qui se couvrit en un instant de plumes d'oiseaux, de bois noir polis par le sel, de tas éparses d'algues et de petit cailloux. 

Et le lait me direz-vous ? Il s'est échappé de la marmite féérique et s'est répandu en nappes de peau sur le sable au milieu des va-et-vient des premiers surfers du matin.

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