Marée basse

 


C’est à marée basse que se découvre le drame

Comment croire en la force d’une eau si calme

Retirée dans le chenal

C’est à ce moment que l’on comprend la lutte inégale

Du genêt enraciné dans la terre pâle

Dans des interstices de roche

Une terre pauvre

Rongée par la mer

Aimée seulement

Des genêts et bruyères

 

C’est à nu

Quand la mer s’est retirée

Que l’on voit le lent combat

Perdu d’avance

De la roche et de l’eau

Là-haut, le schiste acéré sort triomphant de la falaise

Poli, figé, laminé

Quelques mètres plus bas

Au bord de la grève

 

Certains blocs émergent fièrement

Lancent un défi à la mer

En se grimant, croient-ils

En vagues furieuses de tempête

Les idiots ne savent pas

Que c’est la mer elle-même

Qui les façonne ainsi

 

La mer se joue de tout

Même des combats anciens

Quand les roches liquides

Se mêlaient entre elles

Dessinant plis et sillons

Au grès des mouvements de la terre

Ces masses liées finiront comme les autres

Fins galets,  graviers, sables

Armes de la mer

Contre leurs propres congénères

 

La bruyère cèdera

Puis le genêt

Viendra le tour du grand cyprès, là-haut

La mer triomphante

Si calme dans son chenal

Mordra plus avant

Dans le flanc de la falaise

Elle se régalera des roches

Que les hommes

Se croyant puissants

Lui donneront en pâture

De nouveaux galets à former

Même contre-nature

 

Retirée dans son chenal

Elle sait qu’elle a la patience

De triompher avec aisance

 

Katell Salazar, Kerarmel, 2 mai 2021


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